Les
réserves accumulées au fil des siècles constituent un important
patrimoine. Si s'en séparer semble risqué, leur circulation pourrait
être beaucoup améliorée.
Y a-t-il trop d'œuvres d'art dans les réserves
des musées publics? Et si oui, faut-il en revendre une partie pour faire
face à la crise? Dans une étude à paraître demain, l'Ifrap
(Institut français pour la recherche sur les administrations et les
politiques publiques) milite pour mettre fin au principe de
l'inaliénabilité des collections d'art publiques. Passant au crible
celles d'art contemporain amassées par l'État dans les fonds régionaux d'art contemporains
(Frac) - 146.000 œuvres selon l'étude -, l'Ifrap estime que le public
est le grand oublié de cette «politique d'accumulation»: des dizaines de
milliers d'œuvres ne seraient jamais exposées, dormant de fait dans des
sous-sols. «Il faut cesser toute subvention aux fonds régionaux d'art
contemporain, supprimer le 1 % artistique et, surtout, revendre les
œuvres qui ne peuvent pas être exposées», suggèrent les auteurs.
Proposition iconoclaste…
La revente des fonds d'art publics, qu'ils soient contemporains ou non, n'est pas si simple. Selon la loi, il n'est pas possible de mettre sur le marché une collection publique. Même ce qui a été donné ou légué à un musée est réputé inaliénable. Depuis 2002, il est possible de déclasser une œuvre, mais cette procédure n'a quasiment jamais été utilisée. Heureusement pour les retours de goûts qui ont rendu gloire si tardivement à Gauguin, Van Gogh et Vermeer.
«La diversité des 23 comités d'acquisition des Frac, tous différents, tient la politique à distance, garantit la diversité des choix et des artistes, explique un ancien directeur du Frac Rhône-Alpes. Cette transparence est un rempart contre le copinage, le déjà-vu et l'art officiel.»
Au fil du temps, les musées ont donc constitué des collections, qui à leur tour ont constitué un patrimoine et un héritage culturel. Le Louvre dispose de l'équivalent de 12.000 m2 pour ses réserves (35.000 objets exposés). Les Arts décoratifs ont 6.000 m2 de réserves. Le Quai Branly possède 300.000 objets et expose le plus spectaculaire de ses réserves comme une œuvre d'art à travers une spirale de verre. Et on compte plus de 60 millions de spécimens au Muséum national d'histoire naturelle. La BnF archive plus de 14 millions de livres et d'imprimés, 360 000 collections de périodiques, environ 12 millions d'affiches, plus de 800.000 cartes et plans, et quelque 8 millions de photos qui épousent les débuts de cet art de la lumière. Le Cnap (Centre national des arts plastiques) garde 30.000 de ses 93.000 œuvres en réserves. Ce total faramineux décompte en fait les photos, les estampes, les séries, comptabilisées pièce par pièce. Le reste des 63.000 œuvres est déposé dans les musées ou administrations, ou prêté dans des expositions temporaires.
Les réserves sont autant des lieux de stockage et de préservation que des lieux de recherche pour l'histoire de l'art. «Les musées montrent mais doivent aussi, selon la loi, conserver. Ils travaillent pour les générations à venir», indique le ministère de la Culture. «Les œuvres d'art contemporain, peintures, installations, sculptures, qui ne reprennent pas les techniques préparatoires des Anciens, sont souvent fragiles. Trop les manipuler les fragilise», souligne Yves Aupetitallot, directeur du Magasin, le centre d'art contemporain de Grenoble.
Les 9.000 photos du Cnap comme les 140.000 pièces du département des arts graphiques du Louvre ne peuvent sortir qu'à doses prescrites (trois mois tous les deux ans), à moins d'être brûlées par la lumière. Par définition, elles vivent à l'abri des réserves. Par leur nombre, leur âge et leur qualité patrimoniale, elles font la force et l'avenir d'un musée. L'abondance de biens est fort utile pour monter des expositions.
Exemples? Ils sont légion: «Extra Large», les œuvres de grand format des collections du Centre Pompidou réunies, l'été dernier, au Forum Grimaldi à Monaco ; Parade, le plus grand Picasso du monde qui fut le clou de l'expo «1917», l'été dernier au Centre Pompidou-Metz ; La Bruja, œuvre merveilleuse du Brésilien Cildo Meireles, que Beaubourg a prêtée au Frac Lorraine, puis à la dernière Biennale de Lyon ; les collections d'architecture du Frac Centre qui ont fait courir tout Tokyo au Mori Museum, il y a deux ans.
«Il y a de plus en plus d'expositions, en France et dans le monde, explique Jean François Hébert, président du Château de Fontainebleau, où se trouvent 40.000 objets de décoration issus des anciens appartements du château. On a donc de plus en plus de demandes de prêts. D'autant que grâce à la numérisation des œuvres, et à leur mise sur Internet, tout le monde connaît les collections de tout le monde.»
Tout n'est pas pour le mieux dans le meilleur des mondes. Dans son rapport remis à Christine Albanel en 2008, Jacques Rigaud avait rejeté la revente des collections mais soulevé la question de la gestion des réserves. Plusieurs musées, dont Orsay, le Quai Branly ou le Louvre, manquent de place. Ils entreposent donc une partie dans d'autres musées (certains cadres de la collection du Louvre sont à Écouen) ou dans un entrepôt parisien. Le manque de rationalisation, les allers et retours que cette configuration implique ont un coût. Glissant sous le tapis une question restée entière, la ministre de la Culture Aurélie Filippetti a déplacé le sujet. Elle a commandé à Alain Seban, président du Centre Pompidou, un rapport sur la circulation des œuvres d'art publiques. Aujourd'hui on prête voire on loue, comme Orsay ou le Musée Picasso, ses œuvres au bout du monde. L'idée serait d'inciter les grandes têtes d'affiche à davantage jouer la France.
http://www.lefigaro.fr Par Claire Bommelaer, Valérie Duponchelle Publié
La revente des fonds d'art publics, qu'ils soient contemporains ou non, n'est pas si simple. Selon la loi, il n'est pas possible de mettre sur le marché une collection publique. Même ce qui a été donné ou légué à un musée est réputé inaliénable. Depuis 2002, il est possible de déclasser une œuvre, mais cette procédure n'a quasiment jamais été utilisée. Heureusement pour les retours de goûts qui ont rendu gloire si tardivement à Gauguin, Van Gogh et Vermeer.
«Ne pas rater l'art de son temps»
Les expositions et les demandes de prêts évoluent dans le temps, au gré de la redécouverte des artistes, d'un genre ou d'une période. Le Musée d'Orsay aurait-il pu être ouvert si l'on avait cédé à la mode? Qui aurait misé, au début du XXe siècle sur l'appétence du public pour le genre pompier de la fin XIXe? «Ne pas rater l'art de son temps, c'est de cette obligation patrimoniale, ancrée dans la tradition française, que sont nés le Cnap (Centre national des arts plastiques) dans l'après-guerre, puis les Frac, dans son sillage, il y a trente ans, insiste Bernard de Montferrand, directeur du Frac Aquitaine. Malraux avait fait un constat sévère: sans les donations et les collectionneurs privés, les grands musées français n'auraient ni impressionnistes ni cubistes, pratiquement pas de surréalistes. Autant de maîtres de l'art moderne qui font courir les foules, aujourd'hui.»«La diversité des 23 comités d'acquisition des Frac, tous différents, tient la politique à distance, garantit la diversité des choix et des artistes, explique un ancien directeur du Frac Rhône-Alpes. Cette transparence est un rempart contre le copinage, le déjà-vu et l'art officiel.»
Au fil du temps, les musées ont donc constitué des collections, qui à leur tour ont constitué un patrimoine et un héritage culturel. Le Louvre dispose de l'équivalent de 12.000 m2 pour ses réserves (35.000 objets exposés). Les Arts décoratifs ont 6.000 m2 de réserves. Le Quai Branly possède 300.000 objets et expose le plus spectaculaire de ses réserves comme une œuvre d'art à travers une spirale de verre. Et on compte plus de 60 millions de spécimens au Muséum national d'histoire naturelle. La BnF archive plus de 14 millions de livres et d'imprimés, 360 000 collections de périodiques, environ 12 millions d'affiches, plus de 800.000 cartes et plans, et quelque 8 millions de photos qui épousent les débuts de cet art de la lumière. Le Cnap (Centre national des arts plastiques) garde 30.000 de ses 93.000 œuvres en réserves. Ce total faramineux décompte en fait les photos, les estampes, les séries, comptabilisées pièce par pièce. Le reste des 63.000 œuvres est déposé dans les musées ou administrations, ou prêté dans des expositions temporaires.
À l'abri des réserves
«Quand on aborde la question des réserves, il y a un mythe tenace, celui de la caverne d'Ali Baba, avance Hervé Barbaret, administrateur du Louvre. Mais tous les chefs-d'œuvre sont dans les salles.» Séries de poteries anciennes, fonds d'archives qui ne forment un intérêt que rassemblés, toiles ou statues d'écoles de maîtres, dons et legs qu'on ne peut légalement disperser…Les réserves sont autant des lieux de stockage et de préservation que des lieux de recherche pour l'histoire de l'art. «Les musées montrent mais doivent aussi, selon la loi, conserver. Ils travaillent pour les générations à venir», indique le ministère de la Culture. «Les œuvres d'art contemporain, peintures, installations, sculptures, qui ne reprennent pas les techniques préparatoires des Anciens, sont souvent fragiles. Trop les manipuler les fragilise», souligne Yves Aupetitallot, directeur du Magasin, le centre d'art contemporain de Grenoble.
Les 9.000 photos du Cnap comme les 140.000 pièces du département des arts graphiques du Louvre ne peuvent sortir qu'à doses prescrites (trois mois tous les deux ans), à moins d'être brûlées par la lumière. Par définition, elles vivent à l'abri des réserves. Par leur nombre, leur âge et leur qualité patrimoniale, elles font la force et l'avenir d'un musée. L'abondance de biens est fort utile pour monter des expositions.
Exemples? Ils sont légion: «Extra Large», les œuvres de grand format des collections du Centre Pompidou réunies, l'été dernier, au Forum Grimaldi à Monaco ; Parade, le plus grand Picasso du monde qui fut le clou de l'expo «1917», l'été dernier au Centre Pompidou-Metz ; La Bruja, œuvre merveilleuse du Brésilien Cildo Meireles, que Beaubourg a prêtée au Frac Lorraine, puis à la dernière Biennale de Lyon ; les collections d'architecture du Frac Centre qui ont fait courir tout Tokyo au Mori Museum, il y a deux ans.
«Il y a de plus en plus d'expositions, en France et dans le monde, explique Jean François Hébert, président du Château de Fontainebleau, où se trouvent 40.000 objets de décoration issus des anciens appartements du château. On a donc de plus en plus de demandes de prêts. D'autant que grâce à la numérisation des œuvres, et à leur mise sur Internet, tout le monde connaît les collections de tout le monde.»
Tout n'est pas pour le mieux dans le meilleur des mondes. Dans son rapport remis à Christine Albanel en 2008, Jacques Rigaud avait rejeté la revente des collections mais soulevé la question de la gestion des réserves. Plusieurs musées, dont Orsay, le Quai Branly ou le Louvre, manquent de place. Ils entreposent donc une partie dans d'autres musées (certains cadres de la collection du Louvre sont à Écouen) ou dans un entrepôt parisien. Le manque de rationalisation, les allers et retours que cette configuration implique ont un coût. Glissant sous le tapis une question restée entière, la ministre de la Culture Aurélie Filippetti a déplacé le sujet. Elle a commandé à Alain Seban, président du Centre Pompidou, un rapport sur la circulation des œuvres d'art publiques. Aujourd'hui on prête voire on loue, comme Orsay ou le Musée Picasso, ses œuvres au bout du monde. L'idée serait d'inciter les grandes têtes d'affiche à davantage jouer la France.
http://www.lefigaro.fr Par Claire Bommelaer, Valérie Duponchelle Publié
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