A la suite de la décision de François Hollande d'écarter l'audiovisuel des négociations de l'accord de libre-échange entre l'UE et les Etats-Unis, notre contributeur ludovic243 met en garde contre les dangers de l'exception culturelle sur la capacité de l'Europe à rivaliser avec les géants américains.
[Express Yourself] Les négociations de libre-échange commercial entre l'Europe et les États-Unis n'ont pas encore démarré que François Hollande a déjà indiqué la mise à l'écart du volet culturel. Motif invoqué : l'exception culturelle française qu'il faut à tout prix préserver. Une prise de position qui paraît bien précipitée : à l'heure où la diffusion du contenu culturel va bien au delà des frontières, un trop fort protectionnisme culturel paraît vain. L'effet provoqué pourrait même être l'inverse de celui recherché, freinant l'essor d'acteurs culturels européens prêts à concurrencer sur un même terrain les majors américaines. La question n'est pas de renoncer à la sacro-sainte exception culturelle française mais de permettre à notre culture de s'adapter à notre époque et donc à l'ère numérique.
L'exception culturelle plus en phase avec le marché numérique
La convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles régissant depuis 2005 l'exception culturelle française n'est, à l'ère numérique, plus en phase avec l'évolution de la production et de la diffusion de contenu culturel. En huit ans le marché a considérablement évolué : les supports digitalisés rendent caduque toute tentative de sur-protectionnisme national. L'émergence de plateformes de streaming comme Deezer ou Spotify pour la musique, ou la diffusion audiovisuelle par VOD ou SVOD avec des offres comme Netflix ou Canal Play Infinity, ont engendré une diffusion d'oeuvres culturelles largement mondialisée. Dans un marché numérique déjà totalement globalisé, il paraît impensable de rester en marge : peut on réellement imaginer à l'heure d'Internet rester à l'écart de la libre circulation des oeuvres ?Une sur-réglementation de notre patrimoine culturel ne nous met pas en position de force par rapport à la concurrence venant d'Outre-Atlantique. Bien au contraire ! Prenons l'exemple de la chronologie des médias définissant l'ordre et les délais dans lesquels les diverses exploitations d'une oeuvre cinématographique peuvent intervenir. Le délai pour un film est de 4 mois après sa sortie en salle pour une sortie en DVD, de 12 mois pour une diffusion sur une chaîne payante de type Canal +, et passe à 36 mois pour une diffusion en vidéo à la demande par abonnement (SVOD). Ces 3 années de délai appliquées à la SVOD, qu'on annonce comme l'un des principaux support de diffusions dans les prochaines années, semblent totalement déconnectées des réalités du marché numérique.
Aux États-Unis le principal diffuseur de SVOD, Netflix et ses 30 millions d'abonnés payants, a dépassé l'Itunes d'Apple en termes de part de marché vidéo. En France l'offre SVOD Canal Play Infinity de Canal +, le principal producteur audiovisuel français, n'a pas a rougir de ses 200.000 abonnés en un an. Il n'empêche, l'arrivée attendue de Netflix en France, qui n'aura pas à respecter les règles drastiques franco-françaises de chronologie des médias, risque de devenir totalement inéquitable. Un comble pour un pays qui compte sauvegarder son patrimoine culturel.
Les mêmes règles pour tous
Maintenir un rempart entre notre marché culturel et le reste de la planète n'a plus aucun sens à l'heure de la mondialisation. Aujourd'hui le marché numérique lié à la diffusion de contenu culturel est largement dominé par les majors américaines comme Google ou Apple. A l'heure de vives discussions sur une meilleure répartition de la valeur entre les différents acteurs numériques (taxe Google sur la presse ou la musique ...), une harmonisation des règles entre les différents acteurs numériques semble nécessaire.La fiscalité en est évidemment un point central : il n'existe aucune raison valable pour que Google échappe à toute fiscalité en Europe et crée de fait un déséquilibre avec ses concurrents européens. De la même façon une sur-protection de notre "exception culturelle" à l'aide de règles et d'aides au financement va à l'encontre de cette homogénéisation globale, en étant finalement nuisible à l'essor mondial d'acteurs culturels européens.
L'Europe aurait plus à gagner à soutenir sur la scène mondiale ses acteurs culturels européens d'envergure, de type Bertelsmann ou Vivendi, afin de leurs donner les moyens de rivaliser équitablement avec les majors américaines.
Attention à ne pas provoquer l'effet inverse de celui recherché
Enfin une zone de libre échange dépouillée de tout contenu culturel ferait de la relation outre-Atlantique un lien basé sur le seul échange de marchandise : le rayonnement de l'Europe ne passe-t-il pas aussi par sa culture ?Surprotéger notre production culturelle, effrayés par l'invasion américaine, pourrait provoquer l'effet inverse de celui recherché : un surprotectionnisme nous empêchant de rivaliser avec les mêmes armes que les Américains et de prendre une place de choix sur l'échiquier culturel mondial. A faire trop de protectionnisme, l'exception culturelle pourrait bien freiner notre essor numérique.
Par ludovic243http://www.lexpress.fr, publié le
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