Le voleur d'une défense d'éléphant, sectionnée à la tronçonneuse au Muséum national d'histoire naturelle de Paris, a été mis en examen et placé en détention provisoire, mercredi 3 avril. Agé de vingt ans, il aurait agi avec deux complices présumés – de seize et vingt ans –, qui l'attendaient à l'extérieur comme en témoignent les images de vidéosurveillance. Ils font, aussi, l'objet d'une mise en examen pour vol sur un bien culturel en réunion avec dégradation et effraction, et sont placés sous contrôle judiciaire. Ont-ils agi seuls ou dans le cadre d'une commande passée par un réseau ? L'enquête le déterminera.
Revenons sur les faits. L'alarme a retenti, à trois heures du matin, samedi 1er avril, dans la galerie, alors qu'un individu s'introduisait en brisant une fenêtre. Identifiant le bruit d'une tronçonneuse en action, le service de sécurité du Muséum prévient prudemment la brigade anti-criminalité. Il aurait fallu quelques minutes au jeune homme pour trancher la défense dans sa quasi-totalité et s'enfuir avec son larcin par le même chemin sans prendre le temps d'éteindre la tronçonneuse. Peine perdue, dans l'affolement, il se blesse au pied et est rattrapé par les policiers, rue Buffon, la défense d'éléphant sous le bras...
"Ça a été très vite, précise Cécile Colin, co-responsable des galeries d'anatomie comparée et de paléontologie. Vu les traces laissées par la tronçonneuse, il s'y est pris à plusieurs fois, ce n'est pas du joli travail". La victime, "l'éléphante de Louis XIV, morte à dix sept ans en 1681, avait été offerte, en 1668, par Pierre du Portugal à la ménagerie d'apparat du roi à Versailles – premier parc zoologique au monde. C'est la doyenne, le squelette complet le plus ancien que le Muséum conservait", se désole Luc Vives, co-responsable de ladite galerie.
Ce spécimen était très convoité, au XVIIe, par les savants et les naturalistes intrigués par cet animal qui leur était inconnu – comme le fut rhinocéros de Louis XV, dont le squelette est conservé dans la même galerie avec quelques 5 000 autres spécimens. Ce qui explique que fut réalisée, "la dissection de l'une des défenses de l'éléphante, opération assez poussée, effectuée bien après sa mort, par Claude Perrault, (le frère de Charles, l'homme des Contes), et Daubenton, le préposé à la tripaille, sous les ordres de Buffon, l'intendant du Jardin du roi – ancêtre du Jardin des Plantes. Cette opération a défini le 'type' de l'espèce, et marqué la naissance de l'anatomie comparée et de la paléontologie", ajoute Luc Vives. Ainsi, à la méprise du cambrioleur, la défense qu'il a tronçonnée n'était pas l'authentique mais une défense de remplacement posée au XIXe.
Reste que ce vol est un fait rare, soulignent les deux responsables. Dernière en date, une tentative d'effraction avait été enregistrée en juillet 2011, dans la même galerie, pour s'emparer des cornes de rhinocéros et nourrir un trafic très actif destiné à alimenter la médecine traditionnelle chinoise. Mais le précieux butin avait été retiré desdits squelettes conformément à une directive européenne qui voulait mettre un terme à ce trafic.
Le Monde.fr
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Par
Florence Evin
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