Le 23 mars dernier, Bagdad était officiellement promue “capitale culturelle du monde arabe 2013”.
Connue pour son patrimoine extraordinaire, la ville compte bien en
profiter pour redorer son blason, dix ans après l’invasion américaine
ayant précipité la fin du régime de Saddam Hussein. Les séquelles de la
guerre y sont encore bien présentes – entre attentats, violences
confessionnelles et instabilité politique. Dans ces conditions, à quoi
ressemble le quotidien des Bagdadis, plus d’un an après le retrait des
dernières troupes américaines ? Pour tenter d’apporter des réponses,
deux grands reporters de France 24, Chady Chlela et James André, ont
arpenté la capitale irakienne deux semaines durant, à la fin du mois de
mars.
Face à des autorités sur les dents, le travail des journalistes est particulièrement compliqué. Dans les lieux fréquentés, marchés ou manifestations, ils sont placés sous la protection d’un colonel de police, plus inquiet encore que les intéressés. Dans un tel climat, peu de place pour l’improvisation, comme en témoigne James André. “Un jour, une femme se présente à l’accueil de notre hôtel et demande à parler à Monsieur André. Quelque chose d’anodin mais qui, dans ce contexte, soulève des interrogations ; comment est- elle au courant de notre présence, de nos noms ? Après vérification, il s’agissait d’une femme désirant notre aide pour fuir le pays. Mais sur le moment, nous avons vraiment pris peur et étions prêts à changer d’hôtel. On ne peut pas se permettre d’aller rencontrer des gens sans être bien renseignés, ne serait-ce que pour les risques d’enlèvements.”
Le danger semble constant, dans une ville pourtant surveillée par des forces de sécurité pléthoriques. Près de 500 000 agents travaillent pour le ministère de l’Intérieur, deux fois plus qu’en France, pour une population de 32 millions d’habitants. Les différents quartiers sont gardés par des check-points et cloisonnés par des murs de béton ; dans de telles conditions, l’économie peine à se relever et le chômage explose.
Pourtant, les habitants continuent à vivre, coûte que coûte. Le reportage s’ouvre sur une séquence filmée au marché aux livres de la ville, quelques jours à peine après les attentats du 19 mars. La rue est bondée, et les intellectuels discutent au café Shabandar, un des plus vieux de la ville, rouvert en 2009 après avoir été dévasté par un attentat. Nous y rencontrons Abderrahmane, serveur de 14 ans au sourire communicatif. Accusé de terrorisme, son père est en prison. Le jeune homme, privé d’école, travaille donc pour 10 dollars par jour, quand il ne s’adonne pas à la boxe thaïe. En secret, il rêve que son sport favori lui permette de voyager, loin de Bagdad. Ces belles rencontres seront nombreuses. Chady Chlela explique qu’ici, lorsqu’on évoque la guerre ou les attentats, “tout le monde a une histoire à raconter”.
Mathieu Cantorné http://teleobs.nouvelobs.com
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